Source : Gaston Cadrin et Pierre-Paul Sénéchal
Texte synthèse du livre « Rabaska, autopsie d’un projet insensé », présenté à la conférence de presse du 8 avril 2009 et lancement public au Musée de la civilisation, le 9 avril à 17h30. Publié aux éditions Fides, en librairie dès le 10 avril.
Produire un livre sur le malencontreux projet d’implantation d’un terminal méthanier dans la porte d’entrée maritime de Québec a exigé des énergies bénévoles supplémentaires de la part des auteurs déjà engagés depuis cinq ans dans la contestation de l’insensé projet Rabaska. Cette première analyse critique au Québec d’un projet industriel majeur pouvant engendrer les pires perturbations humaines et environnementales à un paysage humanisé, vise avant tout à laisser des traces, à concrétiser ce devoir de mémoire afin que des leçons politiques et sociales ressortent d’un combat qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Il était également essentiel de démontrer que la lutte d’une population dans la défense de son territoire et les idéaux des organismes régionaux ou nationaux pour un développement énergétique rationnel et viable ne faisaient pas le poids devant un consortium de promoteurs aux goussets bien remplis, des organismes économiques à courtes vues et des décideurs politiques qui se sont donnés comme objectif d’autoriser le projet contre vents et marées. L’expérience Rabaska doit être vue désormais comme celle qu’il ne faut plus jamais répéter au Québec!
« Rabaska, autopsie d’un projet insensé » : un titre fort approprié
Toute la première partie du livre est consacrée à démontrer que ce projet est insensé, inacceptable et injustifié. Insensé en rapport avec le site choisi par le promoteur qui a priorisé des intérêts techniques et économiques sans que les gouvernements n’aient donné des orientations pour un choix plus pertinent et n’aient relevé des contraintes majeures notamment sur le plan humain et de la navigation. En laissant le promoteur développer son projet sur un site aussi inapproprié, cela a pour effet d’amplifier tous les impacts inhérents à ce type de projet que personne ne veut accueillir aux états-Unis en milieu habité. Ces impacts majeurs constituent des atteintes directes à l’intégrité des paysages, au milieu patrimonial ambiant et surtout à la sécurité des personnes et des biens localisés dans un rayon de 4 à 5 kilomètres de l’implantation projetée. Et cela, les autorités concernées en aménagement du territoire, en sécurité publique, en protection du patrimoine et de l’environnement ne l’ont pas considéré, ne l’ont même pas sommairement analysé de peur de nuire au projet…
Le projet Rabaska est aussi insensé sur le plan du développement durable et de la justification énergétique, des considérations primordiales à toute acceptation sociale et politique d’un projet. Encore là, sur ce plan aucune analyse des besoins du Québec en gaz naturel liquéfié (GNL) n’a été réalisée. La direction des évaluations environnementales du ministère de l’Environnement et le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) ont lamentablement failli à leur tâche. Tous se sont fiés au discours du promoteur axé sur un manque hypothétique de gaz naturel en provenance de l’Ouest (le Québec « au bout du tuyau ») et une baisse improbable de prix de 5% dans l’avenir, alors que l’argumentaire des groupes environnementaux (les mêmes qui ont dénoncé avec raison le Suroît et la centrale thermique inutile de Bécancour) n’a aucunement été considéré. En fait, avec l’entrée en scène de Gazprom en mai 2008, il est devenu de plus en plus clair que le Québec sacrifiera son environnement, sa population et ses paysages pour approvisionner principalement les Américains.
Pourquoi alors avoir autorisé ce projet sans bon sens?
Bien que le projet n’ait fait l’objet d’aucune justification démontrée et que le promoteur n’ait jamais présenté de garantie d’approvisionnement en GNL, Rabaska a su par sa stratégie de communication et de relations publiques (lobbyisme) visant à la fois la population en général et les décideurs politiques convaincre facticement de la pertinence et des bénéfices pour le Québec d’un tel projet.
Ce projet d’un consortium privé est ainsi devenu notamment pour le gouvernement du Québec « d’intérêt national », ce qui lui a conféré un statut de priorité politique au cabinet Charest. à partir de ce moment, toutes les instances gouvernementales et para-gouvernementales ont été mises en MODE ACCEPTATION, quitte à contourner plusieurs règles de bonne gouvernance et les pratiques habituellement suivies dans le processus d’autorisation d’un projet industriel de cette nature (entre autres les scénarios de risques technologiques exigés pour un projet inséré en milieu humanisé). Une démarche similaire a été suivie, avec moins d’évidence cependant, par les instances d’examen de compétence fédérale.
Ces constats d’une acceptation programmée du projet sont démontrés tout au long du livre, mais principalement dans la deuxième partie. Mentionnons quelques éléments qui s’y réfèrent et qui démontrent le processus suivi pour ne pas nuire à l’autorisation du projet.
1- Aucune vérification de l’acceptabilité sociale par la population touchée (aucun ministère de l’Environnement ne s’en formalise), pourtant c’est important pour les éoliennes… (M. Charest, mai 2008)
2- Aucune analyse critique de l’étude de risques du promoteur, aucune contre-expertise, les exigences habituelles ont été écartées, ainsi que les fonctionnaires les plus compétents pour ce faire.
3- Des avis ministériels absents ou faiblards sur le projet et ne soulevant pas les questions les plus essentielles. Seuls les avis sur la santé ont été plus rigoureux, mais on ne les a pas suivis.
4- Sur le plan du transport maritime, aucune étude des impacts sur la navigation et activités futures. Transports Canada contredit ses propres directives TERMPOL sur les conditions d’implantation d’un terminal de GNL (Document TP-743F de Transports Canada, 2001).
5- Des commissions (biens culturels, Capitale nationale) habilitées à se prononcer dans un tel dossier ont été muettes. Seule la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) a pu se prononcer en vertu de la Loi du même nom, mais sa décision a été aussitôt renversée.
6- La commission du BAPE, une institution devant être indépendante, a été soumise et acquise au projet; son rapport influencé par le clan Rabaska présente une analyse tronquée et orientée.
7- Aucun des principes du développement durable et de la loi du même nom n’a été respecté.
à notre avis, autant d’éléments troublants, mériteraient la création d’une commission d’enquête destinée à faire la lumière sur ces problèmes de démocratie et de bonne gouvernance. De plus, compte tenu que le promoteur n’a pas amorcé son projet depuis son autorisation gouvernementale datant de 18 mois (24 octobre 2007) et que rien ne laisse entrevoir une mise en Å“uvre dans des délais raisonnables, nous concluons que pour des raisons humanitaires et environnementales, le décret devrait tout simplement être annulé.