Article de Isabelle Mathieu. Le Soleil.
Les Lévisiens auront bientôt tous une adresse… à Lévis. La Ville éliminera au cours des prochains mois les doublons dans les noms de rue et rebaptisera plus de 400 artères.
Le Soleil a appris que le comité de toponymie de la Ville de Lévis a terminé la recension des 236 noms de rue qui se répètent – les fameux doublons – et a transmis le dossier à la mairesse Danielle Roy Marinelli et à son comité exécutif
Au total, 407 rues devront changer de nom, soit 16 % des 2600 rues de Lévis. Le changement ne s’effectuera pas avant la fin de 2011 ou même en 2012, mais la consultation des citoyens devrait s’amorcer avant la fin de l’année.
C’est un énorme chantier, convient David Gagné, historien au Service du patrimoine, secrétaire du comité consultatif de toponymie de Lévis. « Ça fait déjà sept ans qu’on fait des recherches dans les documents pour retracer l’origine des noms de rue et préparer le terrain », explique M. Gagné.
En comparaison, la très mouvementée réforme odonymique de la Ville de Québec a vu près de 800 rues changer de nom, touchant plus de 20 000 adresses résidentielles. Le processus à Québec s’est étendu sur quatre ans a été interrompu en cours de route par les défusions.
Toujours l’ex-ville
Plus de huit ans après la fusion, Lévis est la dernière grande ville du Québec à ne pas avoir adopté légalement son nouveau nom.Les 136 000 résidants donnent encore comme adresse le nom de leur ex-ville. L’hôtel de ville de Lévis reçoit toujours son courrier à Saint-Romuald et le cinéma des Chutes accueille ses livraisons de popcorn à Saint-Nicolas. Une exception, la raffinerie Ultramar de Saint-Romuald s’affiche fièrement comme sise à Lévis.
Mais de plus en plus, les citoyens demandent quand se fera l’harmonisation des noms de rue. Le Service du patrimoine de la division de l’urbanisme, responsable de la toponymie, a d’ailleurs reçu une dizaine de plaintes liées à des retards dans la livraison de marchandise commandée par Internet.
« On se rend compte que la plupart des compagnies ont déjà fait leur changement, elles n’ont pas attendu après nous autres et ont inscrit le nom « Lévis » dans les formulaires de commande, explique David Gagné. Ça cause donc des problèmes pour des compagnies de livraison comme Dicom, UPS et autres.»
Les arguments de sécurité publique, abondamment invoqués par la Ville de Québec, au début des années 2000, pour justifier l’élimination des doublons, ne tiennent plus beaucoup, aux yeux de la Ville de Lévis. « Avec tous les outils comme les GPS qui relient les camions d’incendie, les ambulances, ça se pose moins», évalue David Gagné. Mais la question du commerce électronique, on n’aurait pas vu ça il y a huit ans et là, ça commence à urger.» Lévis connaît donc ses doublons, mais n’a pas encore évalué quelle rue garderait son nom et lesquelles devraient changer.
Plusieurs critères
Après avoir obtenu le signal des élus, le comité de toponymie se livrera à une analyse de chaque rue et lui attribuera un pointage en utilisant des critères comme le nombre de résidants et de commerces touchés et la valeur patrimoniale. «On va aussi tenir compte du fait que la rue ait déjà ou pas changé de nom dans le passé, note David Gagné. On a des rues qui ont déjà changé cinq fois, c’est assez spectaculaire!»La Ville souhaite aussi respecter une certaine équité et répartir les changements un peu partout sur son territoire. «Car si on y allait uniquement par les dates, certaines villes seraient beaucoup plus touchées, constate l’historien. C’est un équilibre très précaire à jouer, mais c’est faisable avec une analyse rigoureuse.»
Des artères marchandes importantes seront touchées, avertit la Ville. Notamment, la route 275, qui s’appelle «rue Commerciale» du côté sud de l’autoroute 20, vers Saint-Jean-Chrysostome, mais qui porte le nom 4e Avenue au nord, vers Saint-Romuald.
Les noms des anciennes villes disparaîtront des panneaux d’affichage du ministère des Transports le long de l’autoroute et seront remplacés par des noms de rue… dès qu’ils seront choisis!
Des quartiers de noms d’arbres, très nombreux à Lévis, seront rebaptisés au grand complet. «On n’a plus de noms disponibles, on est rendu aux palmiers!» lance M. Gagné à la blague.