Le pont de Québec : Témoin de l’Histoire et chef-d’œuvre d’ingénierie (VI) – La construction

Par | 9 juillet 2023 |

À lire aussi :
Témoin de l’Histoire et chef-d’oeuvre d’ingénierie (IV) – Les années qui précèdent la construction
Témoin de l’Histoire et chef-d’oeuvre d’ingénierie (V) – Les années qui précèdent la construction

Les années 1900-1906

Début des travaux
Les travaux de construction du pont de Québec débutent à l’automne de l’année 1900. Ces travaux se concentrent surtout sur les deux rives du fleuve ou les compagnies Davie et Phoenix procèdent à la construction et à l’aménagement de leurs installations. En peu de temps surgissent différents bâtiments qui serviront de bureaux ou d’ateliers, de hangars, d’infirmerie et de cafétéria.

Au cours de l’hiver, la compagnie William Davie, profite au maximum de cette saison morte pour faire les préparatifs en vue de la construction des piliers qui devra débuter dès les premiers signes du printemps.

Le 16 juin 1901 à 7 h du matin on doit procéder au lancement du premier caisson devant servir à la construction du pilier nord du pont. Un grand nombre de personnes se rendent à l’anse Victoria pour assister à l’événement. Malheureusement, ce matin-là le lancement est remis au lendemain puisque les glissoires n’ont pas pu être terminées assez tôt, et de plus, certains travaux ne sont pas exécutés à la satisfaction de monsieur Stuart, ingénieur travaillant pour M. Davie1.

Le lendemain, le lancement de ce premier caisson est réussi. Il mesure 46 mètres de long, 15 mètres de large et 8 mètres de haut. Soixante-dix minutes plus tard, le travail est terminé. Les caissons sont un moyen qui permet aux ouvriers d’avoir accès, à pied sec, au fond d’une rivière ou d’un fleuve, afin de pouvoir creuser ce fonds jusqu’au niveau du roc solide.

À l’époque, en 1901, l’entrepreneur, M. Davie a à son emploi 350 hommes à l’oeuvre dans ses chantiers à Cap-Rouge et environ 300 dans les carrières. Un peu plus tard, lorsque les travaux de maçonnerie débuteront, ce nombre sera porté à 500.

Les travaux du pilier sud ne débutent qu’au printemps. L’année suivante, on profite une fois de plus de la saison d’hiver pour faire les préparatifs en vue de sa construction. Pour ce dernier pilier, on doit creuser plus de 23 à 24 mètres en dessous du lit du fleuve et le fond qu’on y trouve, réputé quand même très solide, n’est pas le rock, mais un mélange de sable et de gravier que l’on nomme hardpan en anglais2.

Le 16 octobre 1904, la sous-structure du pont est terminée et on a même entrepris le montage de la fausse structure qui permet au pont d’être supporté jusqu’à ce qu’il puisse le faire par lui-même. Lorsque les travaux d’érection du bras cantilever seront suffisamment avancés, la fausse structure est alors déplacée sur la rive nord pour remplir la même fonction.

La superstructure
Les travaux de construction de la superstructure débutent en 1900. Cependant, on peut dire que la période comprise entre 1900 et 1903 n’est pas très active en raison d’un manque de fonds de la part de la Compagnie du pont de Québec.

Comme l’explique Michel L’Hébreux, ce facteur économique empêche la Phoenix Bridge Co. de procéder à des travaux primaires et à des études s’avérant nécessaires. Avant d’entreprendre la construction de ce pont gigantesque, la Bridge Co refuse de passer à exécution, jusqu’à ce que la Compagnie du pont de Québec lui fasse la preuve qu’elle pourra honorer son contrat3.

À partir de 1903, les travaux sont plus soutenus. Le schéma de montage du pont consiste à construire d’abord les travées d’ancrage, puis avancer en porte-à-faux au-dessus de l’eau jusqu’au centre du pont, où les sections provenant de chaque rive viendront se joindre pour permettre la fermeture du treillis de la travée suspendue.

Avant de commencer l’érection de la superstructure de métal, on doit d’abord assembler une fausse structure qui aura comme fonction de soutenir le bras d’ancrage pendant son assemblage jusqu’à ce que la construction du bras cantilever soit assez avancée pour faire contrepoids au bras d’ancrage et éviter que des efforts de compression soient induits dans des pièces devant travailler uniquement en tension. Ensuite, au fur et à mesure que la construction du premier losange prendra forme, les pièces de la fausse structure seront démontées puis transportées sur la rive nord afin de procéder à une opération identique pour la construction du bras d’ancrage nord.

Les plans du bras d’ancrage sud sont terminés au début de la saison 1905. Avant que l’érection de la structure principale débute, on dispose encore du temps nécessaire pour refaire les calculs afin de vérifier le poids que le pont aura à soutenir en tenant compte des nouvelles spécifications. Même si cela nous semble incroyable aujourd’hui, la Phoenix Bridge Co. et Théodore Cooper s’y refusent à nouveau, ne jugeant pas important de s’imposer ce travail supplémentaire4.

La mise en place de l’acier pour la construction de la structure principale commence donc à l’été de 1905 du côté sud du fleuve. Sur cette rive, il existe une voie ferrée qui relie la cour d’entreposage du matériel au chantier de construction. Cette voie n’existe pas encore sur la rive nord en raison des problèmes financiers de la Compagnie du pont de Québec.

Les détails des plans fabriqués par la Phoenix Bridge Co. sont si précis que les ouvriers sur le site n’ont qu’à suivre les instructions pour assembler et river les pièces comme dans un jeu de mécano.

Le premier février 1906, Théodore Cooper reçoit un rapport de l’inspecteur du matériel pour la Phoenix Bridge Co. lui révélant que le poids du métal placé dans la structure du pont dépasse largement le poids estimé initialement et qui a servi de base aux calculs. On constate une différence de 33 % entre le poids réel et les estimations. Pour cette raison, les contraintes réellement produites dans le pont sont de 7 à 10 % plus élevées que prévu. Cooper juge que c’est quand même acceptable5.

À suivre…


1 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, pages 37-38.
2 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 39.
3 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 43.
4 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 47.
5 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 48.

Catégorie(s) : Histoire Urbaine,  Patrimoine,  Transports
Mot(s)-clé(s) : ,

À propos de Pascal Petitclerc

Originaire du quartier Saint-Sauveur dans la basse-ville de Québec, Pascal a depuis longtemps été intéressé par l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Il a créé Lévis Urbain en 2003, en s'inspirant de Québec Urbain, pour palier à certaines lacunes de l’époque en ce qui a trait à l’information véhiculé sur l’urbanisme, le transport en commun, l’environnement, les projets immobiliers et commerciaux et l’aménagement du territoire dans les médias régionaux du Québec métropolitain.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *