Le pont de Québec : Témoin de l’Histoire et chef-d’œuvre d’ingénierie (V) – Les années qui précèdent la construction

Par | 2 juillet 2023 |

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Les années 1851-1900

Partie 4 : Les choix de Théodore Cooper

La première décision importante que prend Théodore Cooper après sa nomination comme ingénieur consultant au projet du pont de Québec est de porter de 488 mètres à 549 mètres la longueur de la travée principale du pont. Par cette décision, la travée du pont de Québec dépassera de 30 mètres la longueur de la travée du célèbre Firth of Forth Bridge, situé à Édimbourg, en Écosse. Ce pont est considéré à l’époque comme le pont cantilever le plus long du monde en raison de sa travée qui atteint 518,5 mètres1.

Les raisons évoquées par Cooper pour justifier sa décision sont d’ordre technique et monétaire. D’abord, il mentionne que le fait de construire les piliers du pont plus au centre du fleuve, dans l’eau profonde, les rendraient plus vulnérables aux glaces l’hiver et aussi plus difficiles à construire. Ceci aurait également pour conséquence de retarder d’une année l’échéancier de construction du pont. La décision d’éloigner les piliers principaux à une distance de 549 mètres l’un de l’autre a par contre l’inconvénient d’augmenter considérablement les contraintes produites sur la structure du pont. Cooper, qui en a le pouvoir, augmente les contraintes admissibles afin d’éviter d’ajouter du métal dans la structure par crainte d’augmenter le poids et le coût.

Il est légitime de penser que cette décision peut être inspirée par le désire de Cooper d’établir une nouvelle marque, en faisant du pont de Québec le pont cantilever le plus long du monde. Avec une travée de 549 mètres, il passe ainsi devant le Firth of Forth Bridge construit entre 1883 et 1890 pour lequel M. Cooper avait été assez critique à l’endroit de ses concepteurs. Cooper n’a donc aucune difficulté à convaincre les ingénieurs à Québec de ses changements dans les plans. Et comme il s’était fait accorder l’autorité finale, cette décision ne fut pas contestée.

Toujours en 1900, la Compagnie du pont de Québec reçoit un appui financier de 1M $ du gouvernement fédéral dirigé par Wilfrid Laurier. Ce dernier voit dans la réalisation du pont de Québec le moyen de finaliser son chemin de fer qu’il a qualifié un jour de grande oeuvre de la Confédération. De leur côté, le gouvernement du Québec et la ville de Québec verse respectivement 250 000 $ et 300 000 $ pour faire avancer le projet.

La Compagnie du pont de Québec arrête définitivement le choix de l’emplacement où sera situé le pont, c’est à dire près de l’embouchure de la rivière Chaudière. Cet emplacement a l’avantage d’être l’endroit où le fleuve est plus étroit. Comme les études antérieures l’ont déjà démontré, l’escarpement des falaises de chaque côté du fleuve laisse à cet endroit une hauteur suffisante pour permettre le passage des bateaux parmi les plus gros. Également, sur ce site, on aura à creuser beaucoup moins profondément sous la surface de l’eau, pour asseoir les piliers du pont sur du matériel solide2.

Les contrats pour la construction du pont sont signés le 19 juin 1900. Celui pour la construction de la sous-structure est accordée à la compagnie William Davie and Sons d’Ottawa; celui pour la construction de la superstructure est accordée à la Phoenix Bridge Co.

Le siège social de cette compagnie est situé à Phoenixville, en Pennsylvanie, à environ 40 km au nord-ouest de Philadelphie à environ 966 km de Québec par chemin de fer.

Le pont à construire et le type cantilever. Il sera le plus long du monde avec une ouverture libre de 549 mètres entre ses piliers principaux; sa longueur totale sera de 988,8 mètres incluant les approches; ses deux bras cantilevers mesureront 171 mètres chacun et ses bras d’ancrage, 152 mètres chacun. Sa largeur sera de 20,42 mètres et il possédera une section suspendue de 206 mètres au centre. Le tablier du pont sera situé à une hauteur de 46 mètres au-dessus de la surface de l’eau à marée haute. Enfin, ce pont est prévu pour recevoir deux voies ferrées et deux voies carrossables incluant deux voies de tramways électriques3.

Qu’est-ce qu’un pont cantilever ?
Un pont cantilever est un type de pont qui utilise des poutres cantilever (poutres en porte-à-faux) pour supporter la charge du pont et le maintenir en place. Les poutres cantilever sont fixées à des piliers de soutien sur les deux côtés du pont et se rejoignent au centre pour former une section centrale qui peut être utilisée pour traverser l’eau ou d’autres obstacles.

Dans un pont de ce type, le tablier est constitué de poutres construites en porte-à-faux (ou, autrement dit, « en console » ou bien « par encorbellements successifs »), c’est-à-dire par des structures qui se projettent horizontalement dans l’espace, soutenues à une seule extrémité.

À l’époque, les ponts cantilever pouvaient supporter des charges plus lourdes que les ponts suspendus. Comme le pont de Québec devait porter deux voies ferrées, ce fut donc le choix des concepteurs4.

Dans la conception du pont de Québec, on a accroché une travée centrale aux bras cantilever, ce qui en allonge la portée. Les structures de métal obliques qui partent des piliers vers la travée centrale sont ce que l’on nomme « bras cantilever » ; celles qui partent des piliers vers les rivages sont les « bras d’ancrage ». Ces bras d’ancrage sont arrimés à des piliers d’ancrage qui servent de contrepoids pour empêcher que les cantilevers basculent vers le milieu. Le principe du pont cantilever est d’assurer l’équilibre et la solidité des poutres en porte-à-faux5.

À suivre…


1 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 25.
2 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 26.
3 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 28.
4 : Wikipedia. Les ponts à poutres en porte-à-faux.
5 : François Bourque, Le Soleil. Qu’est-ce qu’un pont cantilever ? 8 septembre 2017.

Catégorie(s) : Histoire Urbaine,  Patrimoine,  Transports
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À propos de Pascal Petitclerc

Originaire du quartier Saint-Sauveur dans la basse-ville de Québec, Pascal a depuis longtemps été intéressé par l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Il a créé Lévis Urbain en 2003, en s'inspirant de Québec Urbain, pour palier à certaines lacunes de l’époque en ce qui a trait à l’information véhiculé sur l’urbanisme, le transport en commun, l’environnement, les projets immobiliers et commerciaux et l’aménagement du territoire dans les médias régionaux du Québec métropolitain.

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