Le chantier de la Davie risque d’être rasé

Par | 22 décembre 2004 |

Article de Pierre Pelchat. Le Soleil.
Reproduit avec autorisation au moment de la publication.

Si un acheteur sérieux ne se pointe pas bientôt, le syndic des Industries Davie envisage de raser tous les immeubles et les ateliers de l’immense chantier naval et de dépolluer les terrains pour les revendre à des fins résidentielles. Ce démantèlement pourrait débuter avant la fin du printemps.

C’est ce qu’a révélé, hier au cours d’un entretien, le syndic de la faillite des Industries Davie, Patrice Van Houtte. « Le ministre Michel Audet nous a demandé d’avoir un plan b dans l’éventualité où nous ne pourrions pas trouver un acheteur avec des contrats pour relancer le chantier. Nous avons donc préparé un plan qui prévoit la démolition de tous les ateliers et immeubles » , a-t-il expliqué. Auparavant, on aura procédé à la vente de tous les équipements, de l’outillage, des inventaires du chantier qui a déjà employé plus de 3000 personnes au début des années 90. Quant à la cale sèche qui a été rénovée au coût de 10 millions $ par le gouvernement fédéral, elle ne pourrait plus être utilisée.

Selon M. Van Houtte, le rasage du chantier apparaît être la meilleure solution qui permettra de générer le plus d’entrées de fonds pour rembourser les sommes dues aux créanciers. « Depuis le début, la position des créanciers a été de garder le chantier ouvert et de trouver un acheteur sérieux avec des contrats pour continuer la production. Mais si ce n’est pas possible, il faudra liquider le chantier. Cela sera fait progressivement. Mon mandat sera alors de trouver le plus d’argent possible pour les créanciers », a-t-il précisé. Si un investisseur ou un groupe d’investisseurs est intéressé à maintenir la production à la Davie, les créanciers sont prêts à renoncer à la majeure partie des sommes qui leur sont dues.

Le temps commence toutefois à presser. La caisse de l’entreprise mise en faillite il y a trois ans sera à sec quelque part en février. « Il est minuit moins une », a résumé, hier, le président du syndicat, Richard Gauvin, qui se bat depuis trois ans contre la fermeture de l’entreprise. Il y a quelques semaines, le syndic avait dû vendre des inventaires d’acier pour 2 millions$ et des rebuts d’acier et des équipements pour payer des comptes et se doter d’une petite encaisse.

« C’est une catastrophe pour nos gens et l’économie de la région. Ce sont des centaines d’emplois et des retombées économiques majeures que nous allons perdre », a déploré le chef syndical. Encore cette année, le syndicat a distribué une quarantaine de paniers de Noël à des employés réduits à l’aide sociale. Plusieurs dizaines d’ouvriers qui ont travaillé sur le projet de conversion du navire Midnight Express auront épuisé, dans quelques semaines, leurs prestations d’assurance-emploi.

Encore de l’espoir
Malgré l’étau financier qui se resserre, le syndicat n’a pas encore lancé la serviette. M. Van Houtte demeure optimiste de pouvoir convaincre un gestionnaire de flottes pour le compte d’armateurs grecs -Berry Maritime – de placer une commande ferme au chantier. « à ce sujet, les dernières nouvelles sont bonnes. Ils ont comparé les prix de construction de navires avec la Corée. J’espère recevoir une proposition à la mi-janvier. Je suis très confiant » , a affirmé M. Van Houtte.

Même avec une offre ferme de contrats, la partie ne sera pas gagnée pour autant. Il faudra dénicher un acheteur ou un groupe d’acheteurs de l’entreprise qui a connu deux propriétaires depuis que la SGF s’en est départie en 1996. En plus des pertes économiques, la liquidation du chantier confirmera l’impossibilité d’éviter la coupure de 20% des rentes aux retraités de la Davie puisque la lecture de la valeur des éléments d’actif des régimes de retraite a été prise à un moment où les marchés boursiers étaient très bas.

Le président du syndicat s’est dit déçu du peu d’appui du gouvernement Charest pour supporter un projet de relance. « C’est clair que le gouvernement libéral veut mettre la clé dans la porte du chantier au plus vite. Si on se fie au soutien qu’on a eu de notre député, on peut repasser. Elle n’est mme pas venue au chantier depuis son élection malgré nos invitations » , a-t-il déploré. Une fois le démantèlement mis en marche, M. Gauvin croit qu’il ne sera plus possible de rouvrir un chantier naval. « Ça va vous coûter trop cher pour équiper un nouveau chantier. La fermeture de la Davie sera le dernier clou dans le cercueil de la construction navale au Québec » , a-t-il soutenu.

Pas d’intérêt pour les ateliers
Le plan B retenu par le syndic vient mettre un terme aux rumeurs voulant que le Port de Québec ou des compagnies d’arrimage soient intéressées à acquérir les immenses ateliers et les utiliser comme entrepôts. De plus, l’hypothèse que la cale sèche soit conservée pour la réparation navale devient inapplicable avec ce même plan de démantèlement. Il y a trois ans, on avait estimé les coûts de dépollution des terrains du chantier naval entre 12 et 18 millions$.

Au cours des 15 dernières années, le chantier naval a réalisé de nombreux contrats totalisant 1.6 milliards $ provenant en grande partie du gouvernement fédéral. Ces travaux ont généré des retombées économiques majeures et des rentrées fiscales directes de plus de 400 millions$ pour les deux paliers de gouvernement. Pour l’heure, seulement une quarantaine d’ouvriers s’affairent è compléter la fabrication de bulbes de sonar pour le compte de la marine américaine. Ils pourraient bien ne pas avoir le temps suffisant pour terminer ce contrat.


Reproduit avec autorisation au moment de la publication.

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